La Beauté

La beauté retient le regard, le souffle et l’esprit. Elle est, nous dit saint Thomas d’Aquin, la «splendeur du vrai».
Il y a autant de beautés que d’yeux qui regardent et pourant «s’il est vrai que les choses belles se modifient perpétuellement, il n’en est pas moins vrai que l’essence de la beauté, le beau en soi, ne subit aucun changement… Il n’existe, dans son essence, qu’une seule et même beaué. De par ses caractères de permanence, de perfection, l’essence est la vraie réalité», affirme Platon.
Aristote vient ajouter à l’idéalisme de son maître trois définitions. Pour lui la beauté devient «précision, symétrie et coordination».
«En toutes choses, le beau résulte de la justesse des proportions», déclare il y a deux mille six cents ans, Phocyclide.
«Divines proportions», rétorque Fra Pacioli di Borgo.
Quand la matière donnée est exactement ajustée à un schéma intellectuel préformé qu’elle va rejoindre, quand l’objet correspond à l’idée, nous éprouvons le sentiment le plaisir de la beauté», nous dit Kant.
Hegel rejoint la définition d’Aristote et note que les caractères essentiels du beau sont «la régularité, la symérie et l’ordre». Pythagore va encore plus loin et affirme : «L’harmonie est l’unité des diversités et l’intégration des différences».
Quant à Delacroix, il rétorque que cette harmonie est «l’expression la plus vaste du beau».
Enfin Carl Huter et son élève Alispach introduisent la notion de rayonnement qui apporte ce «plus» qui semble émaner de l’âme.
…Tout semble avoir été dit et pensé sur le beau et pourtant la beauté reste plus que jamais un mystère. Plus on la définit, plus on classifie des critères et des normes, plus elle échappe à toute définition et explication.
Serait-elle une extraordinaire attraction qui viendrait de loin telle une constante, la sensation de quelque chose d’ancré dans la mémoire invisible de la conscience ? Comme si les sens et l’essence étaient secrètement liés pour révéler l’idée même du divin et du sacré.
Il n’est absolument pas question dans ce site d’enfermer une fois de plus la beauté dans une série d’affirmations mais de la projeter telle qu’elle existe dans la nature et et dans l’être humain. Un hommage, tant à l’œuvre du Créateur qu’au génie créateur de l’homme. Faire en sorte que le lecteur découvre au fil des pages les liens secrets qui unissent la beauté d’une femme à celle d’un arbre, d’un Apollon grec à un tableau non-figuratif, d’une calligraphie chinoise à un édifice architectural ou encore d’une sculpture moderne à une goutte de pluie qui perle sur un brin d’herbe.
La beauté est un art divin alors que l’art de la beauté est du ressort de l’humain qui rejoint dans son œuvre le divin qui est en lui.
Regrouper les multiples facettes de cette beauté constante et indéfinissable est le défi. Un défi que je lance à la fois à un chirurgien esthétique qu’à l’homme épris d’art qui le hante. Un défi qu’il essaye de relever à chaque fois que l’on lui demande d’embellir un visage, un corps ou de le rajeunir en jouant à des jeux.
Oui, l’art de la beauté doit être à la base de toute chirurgie esthétique, tout comme la connaissance de l’anatomie l’est pour la médecine en général. Corriger un défaut c’est tenir compte de l’ensemble.
Il en est de même pour la peinture, la sculpture, la musique ou la danse, il suffit d’une touche de trop, d’une fausse note ou d’un pas hors mesure pour que l’équilibre s’effondre.
La chirurgie esthétique ne peut être seulement un acte technique. En plus d’un don artistique nécessaire, alliant tant le sens de l’harmonie que celui des proportions, le chirurgien devrait avoir une connaissance de l’histoire de l’art et de la beauté. A la fois en posséder les références historiques et scientifiques pour tenter en artiste de restaurer le faux pas du Créateur ou les méfaits du temps.
Il ne suffit pas d’exprimer un sentiment sous une forme sensible pour faire de l’art mais quand l’art suscite l’émotion c’est que le beau est atteint.
Dans son distique célèbre à Aster, Platon s’écrie «Lorsque tu regardes les étoiles, ô toi mon étoile, je voudrais être le ciel et te contempler de mes mille yeux».